De l’intérêt de bien structurer les management packages : arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 26 janvier 2017 – par Jérôme Commerçon et Raphaël Bagdassarian

Publication 27 Mar 2017

La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu le 26 janvier 2017 une décision inédite en matière de management packages[1].

Pour rappel, l’administration fiscale adopte depuis plusieurs années une position très dure à l’égard des management packages dans le cadre d’opérations de LBO (leverage buy-out) et redresse fréquemment les dirigeants en cas de réalisation de gains significatifs en tentant le plus souvent d’imposer dans la catégorie des salaires les plus-values de cession réalisées par les dirigeants à la fin de l’opération de LBO.

Le contentieux fiscal des management packages découle en grande partie de la recherche d’un alignement des intérêts des managers et des investisseurs financiers dans le cadre des LBO, qui conduit à faire investir les managers dans l’opération et à leur accorder une rétrocession d’une part de la plus-value des investisseurs financiers lorsque certains seuils de rentabilité sont atteints. Dans ce contexte, l’administration entend, de manière classique, requalifier en salaires la fraction du gain qu’elle considère comme anormale ou résultant uniquement du lien avec l’activité du manager dans l’entreprise.

Faute de cadre légal clair, chaque décision de jurisprudence rendue en la matière fait l’objet d’une attention particulière tant de la part des dirigeants que de celle des professionnels du droit afin de comprendre au mieux le courant jurisprudentiel qui se dessine progressivement et de sécuriser autant que possible la structure des packages.

La Cour accède au cas d’espèce à la demande de l’administration fiscale et rend une décision défavorable aux contribuables. Ceci est particulièrement notable dans la mesure où les dernières décisions rendues en la matière étaient majoritairement favorables aux managers, à commencer par le jugement rendu en première instance par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans cette même affaire, en 2014.

Cette décision semble toutefois à relativiser au regard des faits très spécifiques de l’espèce et, en particulier de (i) l’absence d’instruments financiers souscrits par le dirigeant qui aurait pu permettre de justifier d’une allocation excédentaire de la plus-value (seul un accord de répartition de plus-value avait été conclu) et (ii) de l’absence de versement par le dirigeant d’une contrepartie justement valorisée, accompagnée d’un risque de perte en capital, pour l’acquisition du droit de rétrocession d’une partie de la plus-value.

Au cas d’espèce, en effet, il avait été simplement convenu aux termes d’une convention dite « de partage de plus-value » conclue entre les investisseurs financiers et le dirigeant que ce dernier bénéficierait lors de la sortie d’une quote-part de la plus-value réalisée par les investisseurs, sous réserve de l’atteinte d’objectifs de rentabilité.

C’est cette quote-part de la plus-value rétrocédée par les investisseurs financiers au dirigeant que la Cour administrative de Versailles requalifie ici en avantage salarial. La Cour souligne que la convention de partage pouvait se traduire pour le dirigeant par un gain mais que, symétriquement, aucun risque de perte n’était associé dans la mesure où si les objectifs de rentabilité n’avaient pas été atteints, il n’aurait pas eu à reverser de sommes aux investisseurs. Le dirigeant ne supportait donc pas de risque d’investisseur aux termes de cette convention de partage.

Cette solution défavorable aux managers s’explique donc essentiellement par la spécificité du mécanisme d’intéressement au capital qui avait été mis en œuvre dans la présente affaire.

 

 

[1]    Le terme de management package englobe les outils de participation au capital des managers aux côtés des investisseurs dans le cadre d’une opération de LBO, ceci afin que les investisseurs soient assurés que les managers ont des intérêts alignés sur les leurs, tournés vers la réussite la plus complète de l’opération.